Ce matin, dans un coin de la Halle, du côté de la pesée, un homme vendait des champignons. De loin, j'ai aperçu Evelyne Ferrand qui lui faisait la causette. Des années que je ne l'avais pas revue. C'est simple : Je suis parti lorsque le petit venait de naître et, aujourd'hui, il porte le bouc et la moustache. Elle n'avait guère changé, me sembla-t-il. Une belle silhouette. Les femmes tiennent mieux le coup que les hommes. Pour l'instant.
Son mari était le directeur de l'école du village, mon maître, ma dernière année de primaire.
Dans l'allée centrale, dans le pêle-mêle des chalands, me revint le souvenir de sa voix, sa façon presque métallique de dire et de redire une chose, sans jamais de précipitation, sans se lasser puis, brusquement, accélérer pour mieux laisser la phrase en suspens. C'était un instituteur de la campagne. Pour rien au monde, il n'aurait changé de vie. Chasseur de palombes dès le mois d'octobre, chasseur de bécasse ensuite, mycologue émérite, mais surtout mycophage, - d'une année sur l'autre, il notait sur un carnet tous les mouvements de lune qui pouvaient influencer les passages et les pousses -, dès la classe finie, on était sûr de le trouver arpentant quelque guéret, furetant dans un bois ou attablé dans une ferme, avec un agriculteur, la plupart du temps un de ses anciens élèves. A la retraite, on l'avait appelé le Père Marceau. Ce nom, lui était resté.
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Il y a fort longtemps, on avait dû l'appeler Cousture, Monsieur Cousture. Au fil des années, insensiblement, il était devenu le père Cousture et maintenant, tout le monde l'appelait Percouture.
Percouture n'avait qu'un bras. Le gauche. Deux à trois fois l'an, en plein été, au pire moment de la canicule, à l'heure la plus terrible lorsque le soleil brûlant est la verticale, le manchot descendait la côte, une canne à pêche sur l'épaule, une boite en bois en bandoulière. On ne connaissait pas son âge. Certains qui avaient le goût de l'exagération prétendaient qu'il avait plus de cent ans.
« Il a été gazé durant la Grande Guerre. Il n'a qu'un poumon… Le gaz moutarde, alléguaient-ils, d'un air entendu. Quant à son bras ? La gangrène … Au Chemin des Dames… Il n'y a que l'amputation dans ces cas-là », ajoutaient-ils en connaisseurs. Ce à quoi d'autres rétorquaient, tout autant au fait de la chose : « Balivernes. Son bras, il l'a perdu dans la moissonneuse-batteuse lors d'un dépiquage. Quand à son poumon ? Ce n’est pas faute de lui avoir dit de ralentir sur le gris !»
Enfin, si personne ne connaissait avec exactitude l'origine des infirmités du vieil homme, tous s'accordaient pour dire que c'était folie de partir à la pêche sous ce soleil de plomb, alors que les poissons comme les hommes n'aspirent qu'à une chose, faire la sieste à l'ombre.
Et pêcher ? Comment pêcher ? Attraper quoi ? Avec un bras ?
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Théorie de l'Évolution faisant foi, se trouvant dans l'impérieuse obligation de voler afin de s'adapter à de nouvelles conditions d'existence, une lente mutation s'est opérée chez certains mammifères. Ne pouvant avoir de plumes comme les oiseaux, ils ont contourné l'obstacle : Leurs doigts se sont allongés et reliés par une fine peau, ils sont devenus les rigides armatures de leurs futures ailes. Ils forment le deuxième grand ordre des mammifères - les Chéiroptères - puisque de par le monde on dénombre huit cent cinquante espèces de chauves-souris.
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On en fait toute une affaire de ces pommes de terre nouvelles, nouvelles toute l'année, la mine blafarde, anonymes, et qui se traînent, à même le sol, par sac de dix, voire de cinquante kilos. Gavées d'eau, n'ayant pas atteint leur maturité, elles ont, comme le disait ma grand-mère Marie-Louise, le goût de rien. De vulgaires patates.
La pomme de terre nouvelle, ne se vend sous cette appellation que du début du mois de mai au 31 juillet.
Et achetée au marché. Comme la totalité des autres : les dites de conservation, la pomme de terre courante. Au marché et en petite quantité. Au paysan. Au maraîcher. Au revendeur. À condition qu'on le connaisse.
Il en existe une centaine de variétés. Chair ferme ou farineuse ? Telle est l'unique question. Farineuses pour les soupes, les purées, ferme pour le reste. Et pour une salade. Une salade de pomme de terres, dont voici la recette.
Une recette pour une salade de pommes de terre ? me direz-vous. La chose la plus simple du monde à réaliser ? Détrompez-vous. Autant de difficultés dans sa réussite que dans celle de la cuisson des œufs au plat, d'après les dires des frères Troisgros, les cuisiniers.
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Je me suis réveillé en sursaut. Le silence. Je n'y étais pas habitué. Chez moi, tous les matins, à six heures, c'est la benne à ordures qui me réveille. On dirait qu'ils le font exprès les éboueurs. Ils stationnent cinq minutes devant la porte de l'immeuble. Le chauffeur laisse tourner le moteur. Les vitres de notre chambre tremblent. Mon grand frère, cela ne le dérange pas. Il dort. Je me demande ce qui pourrait le réveiller. Il veille tard. Il se couche et il s’endort avec son baladeur. Souvent, à minuit, il écoute encore de la musique.
Nous sommes nombreux dans mon immeuble. Forcément, cela en fait des poubelles. Là, j'ai voulu les compter, essayant de me souvenir du visage des locataires. Enfin, de ceux que je connaissais. Je me suis arrêté. J'ai cru que j'allais me rendormir.
Ils ne sont pas délicats les éboueurs. Ils doivent jouer avec ces poubelles. Elles font un bruit terrible lorsqu'ils les jettent sur le ciment. Ou peutêtre veulentils réveiller ceux qui dorment, parce qu'à cette heure, il n'y a qu'eux qui travaillent. Cela les agace. C'est possible.
Je me suis assis sur mon lit. J'ai repensé au voyage. Quelques minutes après le départ de l'autobus, je m'étais endormi. Dès que je fais un voyage, je m'endors. Je grimpe dans la voiture. Derrière. Je suis trop jeune pour monter devant. Au bout d'un moment, ma mère me dit :"Installetoi. Je te réveillerai lorsque nous arriverons". "D'accord", je lui dis. Et je m'endors. Même si je n'ai pas sommeil. C'est plus fort que moi.
Lorsque je me suis réveillé, l'autobus était arrêté en pleine campagne. Évidemment, je n'avais rien vu du paysage. Une camionnette était garée sur un terreplein. Comme je posai le pied sur le sol, un homme est descendu de la voiture.
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L’histoire débute au printemps. En avril, la Reine, ayant dormi tout l’hiver, s’éveille. Immédiatement, elle se met à l’ouvrage : Elle construit le premier rayon de ce qui deviendra un nid. Elle y dépose les premières larves, les ouvrières, insectes asexués qui ont pour vocation l’intendance. Deux missions : Agrandir et compléter les infrastructures de la colonie et veiller au bon fonctionnement de l’économat, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en nourriture de la communauté.
La construction du nid de guêpes obéit à des règles précises. Chaque rayon se compose de cellules hexagonales. Les femelles et la plupart des mâles logeront dans les cellules les plus spacieuses. Les plus exiguës seront réservés aux ouvrières ainsi qu’à quelques mâles sans que l’on sache exactement sur quels critères repose l’attribution des logements. De tailles diverses, les colonies peuvent compter des dizaines de milliers d’insectes, danger dans le cas des guêpes germaniques que l’on trouve plus fréquemment dans le Nord; plus raisonnables, les communautés de guêpes polistes, que l’on rencontre dans nos régions et qui ne regroupent que quelques centaines d’individus. En Dordogne, on les appelle Longues pattes.
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Pour beaucoup de pêcheurs la saison de pêche commence à la mi-mars.
Dès le deuxième samedi du mois, les torrents, les gaves, les ruisseaux, toute eau claire suffisamment oxygénée a vu l’arrivée massive des pêcheurs de truite. Cela ne dure qu’un jour et le lendemain de l’Ouverture les berges des rivières de 1ere catégorie redeviennent paisibles et s’abandonnent aux pêcheurs du coin.
Le 1er mai, c’est l’ouverture de la pêche aux carnassiers. Entendez par là, perches, brochets, sandres et autres black-bass. En réalité, c’est devenu l’ouverture générale car on peut tout pêcher.
Le moindre rayon de soleil et la vie est partout. Dans les champs, dans les prés, dans les bois et, bien sûr, dans la rivière. Les poissons ont passé l’hiver enfouis dans les vases ou cachés dans les racines des aulnes. La chaleur de l’eau qui augmente, la nécessité de se refaire une santé après un jeûne prolongé et c’est la cohue. Ça nage, ça glisse, ça plonge et ça saute. Les alevins frétillent en bande. La jeunesse a de l’appétit.
Le brochet aussi. Il est impossible de le confondre avec un autre poisson. Il est mince, long, fuselé comme un bolide de course. Les épaules rentrées, il guette sa proie, immobile, de ses petits yeux cruels qu’il porte haut, au-dessus de la tête.
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Les Martin se sont installés en aval du moulin. C'est un jeune couple. Dès leur rencontre, ils se sont mis à l'ouvrage. Pendant des jours, sans relâche, ils ont creusé la terre molle de la berge. Les travaux sont terminés. Ils sont chez eux. Ils ont un nid douillet. Leur nid. Une petite pièce, toute simple, dans laquelle on accède par un étroit tunnel de quelques dizaines de centimètres. Après l'accouplement, la femelle s'installera dans ce terrier afin d'y pondre cinq à six œufs.
Pour l'heure, les Martin, côte à côte, têtes inclinées, le bec serré, sont perchés sur une branche de saule. Ils resplendissent dans la lueur du matin. Les chatons dorés de l'arbre illuminent les deux tâches turquoise. De leur perchoir, ils scrutent l'eau du ruisseau, éclaboussée par les premiers rayons du soleil. Ils sont à l'affût. Ils chassent. Un des Martin se raidit. Il resserre étroitement ses plumes. Il se concentre tel un nageur au départ de la course, afin d'accroître son aérodynamique. Il plonge dans l'eau comme un obus. Il perce le miroir liquide comme une flèche. Au moment de l'impact, il ferme les ailes. Sous l'eau, il les rouvre et il rame. Qu'a-t-il vu ? Il n'y a rien. Quelque éclat de nuage, un reflet qu'il aura pris pour une proie. Deux à trois coups d'ailes, il regagne son perchoir. Il s'ébroue. Il se sèche. Il se lisse. Puis il s'envole.
Telle une fusée, il remonte le ruisseau. Il frôle le mur du moulin. Il pique vers le bief tumultueux. Il se rétablit et c'est une balle traçante qui remonte le canal. Il se glisse sous la voûte de la frondaison. Le bolide avale les méandres. Il se rit des courbes et des sinuosités. Un merisier, abattu par l'hiver, lui barre la route ? Il l'évite au dernier moment ! Il fond dans le trou noir sous le pont écroulé. Il effleure le vieux bois. Il bifurque. L'eau frissonne. Il freine. Il déploie les ailes. Il se pose sur un muret. De nouveau, il guette.
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