Raymond Lasportes en militaire

Durant l’Occupation, un certain nombre de jeunes hommes de nos contrées intégrèrent la Résistance de l’intérieur (qui se transformera en maquis le moment venu). On connaît moins l’autre voie Résistante que prirent un nombre plus restreint de jeunes (la plupart menacés de partir au S.T.O.) : rejoindre l’armée française en voie de réorganisation en Afrique du Nord. C’était une autre Résistance : celle de l’extérieur.
Cela passait par un parcours du combattant périlleux où rôdaient la mort ou la déportation : le franchissement des Pyrénées, sévèrement gardées par des troupes de montagne allemandes spécialisées et aguerries et, une fois cet obstacle majeur franchi, il fallait subir l’emprisonnement temporaire mais durable dans les geôles franquistes, puis dans un camp d’internement espagnol de sinistre mémoire avant l’élargissement après enquête sur les motivations réelles des fugitifs qui auraient pu être des antifranquistes infiltrés.
Dès lors, embarqués sur des cargos français battant pavillon britannique, ils pouvaient regagner Casablanca (Maroc) et le camp militaire français de Médiouna avant de choisir (sans bien savoir pourquoi et parfois en changeant ensuite de bord) l’Armée d’Afrique rénovée (Giraud) ou les Forces Françaises Libres (de Gaulle). Les uns et les autres prendront part plus tard à la campagne victorieuse de la Libération de la France soit au sein de la 2e Division blindée de Leclerc soit au sein de la 1ère Armée française de de Lattre de Tassigny.


Un chiffre est à retenir : 84 Gersois seulement réussiront l’exploit d’intégrer les unités militaires d’Afrique du Nord (ou en Angleterre) par ce dangereux cheminement. Parmi eux : Raymond Lasportes, de Montesquiou, dont on sait précisément les affres qu’il eût à connaître grâce au témoignage écrit qu’il en a laissé à sa famille (un document rare de première main).
Pour échapper au S.T.O. (10% seulement des réfractaires rejoignaient la Résistance) et n’ayant pu intégrer la Résistance mirandaise comme souhaité, Lasportes alors âgé de 21 ans se lance courageusement le 5 juin 1943 et sous la fausse identité de Raymond Lafoster, dans l’aléatoire aventure du franchissement des Pyrénées à partir de l’Ariège avec un camarade qui avait été avec lui dans un Chantier de Jeunesse de ce département et donc avec un minimum de connaissance du terrain de départ mais sans plus et avec une musette de vivres pour tout viatique.
Ils parviennent de l’autre côté de la chaîne après deux semaines de périls et d’épreuves physiques que seuls des jeunes en parfaite santé pouvaient endurer sans en ressortir complètement épuisés et inaptes à poursuivre l’aventure. Ils sont, comme ils s’y attendaient, arrêtés par la police espagnole et leurs chemins se séparent. Emprisonné à Lérida puis à Saragosse, Lasportes est finalement interné à Miranda. Il embarque le 11 décembre 1943 sur le Sidi-Brahim à Malaga, débarque à Casablanca où, dirigé sur le camp de la Médiouna, il intègre d’abord l’armée de Giraud à Rabat puis opte le 21 janvier 1944 pour les blindés du futur et célèbre général Lecoq. Il combattra au sein du 2e régiment de Spahis algériens de reconnaissance (R.S.A.R.), affecté à la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny. Son régiment (équipé de matériels américains : jeeps, chars M24, AM M8 et half-tracks), débarque à Saint Tropez le 18 août 1944 et combat en Provence et dans la Vallée du Rhône avant de remonter vers l’Allemagne après des combats meurtriers de plusieurs mois d’hiver dans les Vosges, où le régiment s’illustrera, avant de repartir vers l’Allemagne et de franchir le Rhin le 3 avril 1945, terminant son avancée libératrice en Autriche en mai.
Auréolé de gloire mais resté humble, Raymond Lasportes reviendra à Montesquiou bardé de décorations, faisant ainsi honneur à son village natal (tout comme lui fera honneur le Résistant de l’intérieur André Drancourt, arrêté fin 1943 et qui périra malheureusement en déportation). Lasportes décèdera à 91 ans en 2013 après avoir été de nombreuses années président des Anciens combattants.

    
A l’approche des commémorations des 80 ans de la Libération en 2024, cela méritait d’être rappelé.
Henri Calhiol